Sur la transformation par directions réciproques

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ANALYSE MATHÉMATIQUE. — Sur la transformation par directions réciproques. Note de M. Laguerre, présentée par M. Bonnet.


Dans une Note insérée dans le Bulletin de la Société mathématique (Sur la Géométrie de direction, t. VIII, p. 196), j’ai fait connaître une transformation nouvelle qui présente la plus grande analogie avec la transformation par rayons vecteurs réciproques; je me propose d’exposer brièvement comment on peut l’étendre à l’espace.

1. Une surface S, étant donnée, partage l’espace en deux régions, et l’on peut fixer arbitrairement celle de ces régions que l’on regarde comme extérieure à la surface; je désignerai sous le nom de semi-surface une surface ainsi définie. A un plan correspondent, par exemple, deux semi-plans que l’on peut appeler opposés et que l’on doit regarder comme deux semi-surfaces distinctes; à une sphère correspondent également deux semi-sphères opposées.

Pour que deux semi-surfaces se touchent en un point, il faut non seulement qu’elles aient même tangente en ce point, mais encore que les régions extérieures aux deux surfaces soient les mêmes dans le voisinage de ce point. De là résultent immédiatement les propositions suivantes:

On ne peut mener à une semi-sphère qu’un semi-plan parallèle à un semi-plan donné, une semi-sphère est déterminée par la condition qu’elle touche quatre semi-plans donnés, et un semi-cône de révolution par la condition qu’il touche trois semi-plans donnés.

Cela posé, la transformation par directions réciproques est entièrement définie par les conditions suivantes:

Deux semi-plans réciproques se coupent sur un plan fixe que j’appellerai plan fondamental; deux couples de semi-plans réciproques forment un système de quatre semi-plans tangents à un semi-cône de révolution.

La transformation est évidemment déterminée quand on se donne le plan fondamental et deux semi-plans réciproques.

2. Voici les propriétés fondamentales de cette transformation :

A un système de semi-plans parallèles correspond un système de semi-plans parallèles; à une semi-sphère correspond une semi-sphère qui peut se réduire à un point; à un semi-cône de révolution, une semi-surface de même nature qui peut se réduire à un cylindre de révolution ou à une droite.

On peut toujours effectuer une transformation telle que quatre semi-sphères données se transforment en quatre points.

Si trois semi-surfaces touchent un semi-plan aux points et si les semi-surfaces réciproques touchent le semi-plan réciproque aux points , les triangles et sont égaux.

Les lignes de courbure des semi-surfaces sont conservées dans la transformation.

Deux cas sont particulièrement à remarquer. En premier lieu, si le plan fondamental est à l’infini, la transformée est une semi-surface parallèle à la semi-surface donnée; en second lieu, si un cône isotrope a pour réciproque un cylindre droit dont l’axe est perpendiculaire au plan fondamental, on a la transformation remarquable due à M. Bonnet.[1]

3. Si l’on prend une surface algébrique quelconque et si l’on fixe arbitrairement la région que l’on regarde comme extérieure, la semi-surface ainsi obtenue ne forme généralement un être géométrique que si on lui adjoint la semi-surface opposée; elle doit être considérée comme une semi-surface composée de deux feuillets superposés et opposés entre eux, ces feuillets formant les deux nappes de l’enveloppe d’une sphère de rayon infiniment petit dont le centre décrit la surface. Une quadrique, par exemple, doit être regardée comme une semi-quadrique de quatrième classe. Cependant quelques semi-surfaces, composées d’une seule nappe, forment un être géométrique distinct: telles sont celles qui proviennent du plan, de la sphère, et en général de toutes les anticaustiques des surfaces algébriques.

4. La transformée d’une semi-surface S est une anticaustique; abaissons, en effet, de chaque point M de S une perpendiculaire MP sur le plan fondamental, et prenons sur MP un point M′ tel que le rapport de M′P à MP soit constant: le point M′ décrit une surface S′. Cela posé, si, l’indice de réfraction étant convenablement choisi, des rayons perpendiculaires au plan fondamental se réfractent sur S′, la réciproque de S est une des catacaustiques de S′; on obtiendra, du reste toutes ses catacaustiques en déplaçant le plan fondamental parallèlement à lui-même.

Il résulte de la que l’on sait déterminer les lignes de courbure des anticaustiques de S′ si l’on sait les déterminer pour la semi-surface S. En particulier, si S′ est une semi-quadrique, il en est de même de S, et l’on voit que l’on peut obtenir les lignes de courbure des anticaustiques des surfaces du second ordre, les rayons incidents étant parallèles, proposition que j’avais déjà démontrée dans mon Mémoire Sur une surface de quatrième classe, etc. (Journal de Mathématiques, 3° série, t. II, p. 145).

M. Darboux qui, dans une Note présentée à l’Académie dans sa dernière séance, a bien voulu rappeler ce résultat, a démontré de plus que ces anticaustiques sont les surfaces les plus générales de la quatrième classe, qui ont pour ligne double l’ombilicale.

Des propositions qui précèdent il résulte qu’elles peuvent être considérées comme les transformées des semi-quadriques; or, si l’on considère une semi-surface quelconque de quatrième classe ayant pour ligne double l’ombilicale, et pour autre ligne double la conique le , on voit que chaque point M de est le sommet de deux semi-cônes de révolution circonscrits à ; tous ces semi-cônes peuvent, par une transformation convenable, être transformés en droites se partageant en deux systèmes tels qu’une droite quelconque de l’un des systèmes rencontre toutes les droites de l’autre système. D’où il suit que la transformée est une semi-quadrique, ce qui démontre le beau théorème de M. Darboux; on voit également, comme l’a énoncé ce géomètre, que peut être, de quatre façons différentes, considérée comme anticaustique d’une quadrique.

La surface la plus générale de quatrième classe, qui a pour ligne double l’ombilicale, est donc la transformée par directions réciproques d’une semi-quadrique, et un grand nombre de ses propriétés métriques se déduisent immédiatement des propriétés des génératrices rectilignes des quadriques et des propriétés des cônes de révolution qui leur sont circonscrits.

  1. Note sur un genre particulier de surfaces réciproques. (Comptes rendus, t. XLII, p. 485).