Illuminations (éd. 1886)/Bruxelles

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Les Illuminations, Texte établi par Félix FénéonPublications de la Vogue (p. 79-81).


BRUXELLES


Juillet. Boulevart du Régent


Plates-bandes d’amarantes jusqu’à

L’agréable palais de Jupiter.
— Je sais que c’est Toi qui, dans ces lieux, 

Mêles ton Bleu presque de Sahara !

Puis, comme rose et sapin du soleil

Et liane ont ici leurs jeux enclos, 

Cage de la petite veuve !…
Cage de la petite veuve !… Quelles
Troupes d’oiseaux, ô ia io, ia io !…


— Calmes maisons, anciennes passions !

Kiosque de la Folle par affection.
Après les fesses des rosiers, balcon

Ombreux et très bas de la Juliette.

— La Juliette, ça rappelle l’Henriette,

Charmante station du chemin de fer,
Au cœur d’un mont, comme au fond d’un verger

Où mille diables bleus dansent dans l’air !

Banc vert où chante au paradis d’orage, 

Sur la guitare, la blanche Irlandaise.

Puis, de la salle à manger guyanaise, 

Bavardage des enfants et des cages.

Fenêtre du duc qui fais que je pense

Au poison des escargots et du buis

Qui dort ici-bas au soleil.
Qui dort ici-bas au soleil. Et puis
C’est trop beau ! trop ! Gardons notre silence.


— Boulevard sans mouvement ni commerce, 

Muet, tout drame et toute comédie,
Réunion des scènes infinie,
Je te connais et t’admire en silence.